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Comment apprendre les intonations chinoises ?



Cela vous est-il déjà arrivé de voir quelqu'un sur YouTube ou en tête-à-tête parlant étonnamment bien le chinois ? Votre première réaction serait probablement l'admiration ou la surprise. Puis l'admiration laisse place au doute : comment ont-ils pu atteindre un tel niveau de maîtrise de la langue ?

Il y a quelques années encore, le chinois mandarin était entouré d'une aura mystèrieuse. Il était considéré comme une langue exotique, indubitablement difficile à apprendre. Les étrangers, comme les Chinois eux-même, pensaient que la maîtrise du mandarin était un objectif impossible à atteindre. Puis arriva Dashan.



Ce court documentaire montre comment Dashan a impressionné le public en s'exprimant dans un Chinois limpide dans une émission de télévision suivie par un demi milliard de personnes. A la suite de quoi, Dashan est devenu une célébrité en Chine.
Beaucoup de choses ont changé depuis cette lointaine année 1988 et le nombre d'étudiants étrangers apprenant le Chinois et vivant en Chine a considérablement augmenté ces 20 dernières années. Il n'est plus inhabituel de rencontrer un "wairen" (étranger) en Chine continentale. Pourtant, beaucoup d'étudiants rencontrent encore des difficultés lorsqu'il s'agit de parler Chinois, essentiellement en raison d'un aspect "très délicat" d'un point de vue occidental : les intonations chinoises.

Lorsqu'on l'on aborde la question des tons, deux choses viennnent immédiatement à l'esprit :

1) Pourquoi les intonations chinois sont-elles considérés comme aussi difficiles ?
2) Quelle est la meilleure façon de les apprendre ?
De la difficulté d'apprendre les tons chinois
Occupons-nous de la première difficulté. Il est important d'insister, une fois de plus, sur le point suivant : le chinois est une langue tonale. Ceci ne signifie pas que les tons sont uniquement des mots, mais aussi que le sens des mots est lié à leurs tons.
Dans les langues non-tonales comme l'italien ou l'anglais, les tonalités existent. Nous n'en sommes pas conscients simplement parce que le sens des mots ne dépend pas de leur tonalité. Donc, en théorie les mêmes tons peuvent être utilisés pour représenter visuellement les syllabes qui créent les mots d'une langue non-tonale.

La toute première chose à laquelle vous serez confronté, lorsque vous parlerez chinois, sera les tons. Les schémas suivants montrent en détail les 4 « mesures » d'une syllabe en chinois.
On nous dit généralement de prêter attention aux schémas, d'écouter les sons correspondants et d'essayer de les répéter. Cela ressemble à une approche logique, on commence par les éléments de base (les syllabes), puis on passe aux mots (qui peuvent être mono-, bi- ou trisyllabiques) et enfin aux phrases entières. Dans le jargon de l'ingénierie et de l'informatique, on parle d'une approche « ascendante » c'est-à-dire qu'on construit un mur en commençant par la base, brique par brique. Bien que des techniques ont été développées, semblant adopter une approche réussie auprès des étudiants (* voir la note), apprendre le chinois ne peut pas se faire par le biais d'un simple algorithme. « Un bon début est la moitié de la bataille », disent-ils. Malheureusement, les choses ne sont pas aussi simples qu'il n'y paraît. (Si vous voulez en savoir plus sur cette question, mon ami Vlad a écrit un excellent article à ce sujet sur son blog)

A présent, imaginez que vous voulez apprendre l'italien et que votre enseignant impose l'approche ascendante citée ci-dessus. Alors, on devrait commencer par la qualité sonore des syllabes, passer aux mots, puis aux phrases. Après de fastidieux schémas et explications, imaginez pratiquer les phrases suivantes :

Ma che hai fatto oggi? ==> Mā chē hā-ī fàt-to ŏg-gí?

Ma dove sei andato? ==> Mā dō-vē sē- ī ā-ndàtó?

Imaginez l'effort gigantesque à essayer de prononcer une phrase entière en regardant le ton de chaque syllabe. Les choses empirent lorsqu'il faut réfléchir à une phrase, on y devrait aussi se rappeler de chaque tonalité !
Même si vous prononcez bien les accents, la phrase aura toujours une sonorité "robotique" comparé à un natif de la langue. La raison est qu'une phrase n'est pas juste une simple succession de sons différents. Quand nous parlons, tous les composants d'une phrase suivent une intonation générale, ce qui donne une variation de tons. Cette variation de tons est due au fait que la prononciation des syllabes composants un mot change en fonction de l'emplacement du mot dans la phrase. En italien, (comme dans d'autres langues), un même mot peut avoir différentes intonations en fonction de s'il est au début ou à la fin d'une phrase.

La pōlĕntá* è un cibo tipico dell’Italia del Nord. (La "polenta" est un plat traditionnel du nord de l'Italie)
Mi piace la pōlènta.* (J'aime la "polenta".)

Comme vous pouvez le voir, le mot "polenta" en début de phrase se prononce selon un schéma première-troisième-deuxième, alors qu'il se prononce selon un schéma première-quatrième-cinquième (neutre) en fin de phrase.
Il est évident que cette méthode d'apprentissage de l'italien serait un désastre. Personne fort heureusement ne suivrait une telle méthode. Cependant, malgré la grande différence entre l'italien et le chinois, c'EST la seule méthode utilisée dans la grande majorité des cours chinois, que ce soit à l'université ou en école privée. Actuellement, existe-t-il une alternative à cette méthode ?
Quelques conseils sur la façon d'apprendre les tons chinois
Très souvent, la combinaison des tons et des caractères chinois pousse un grand nombre d'étudiants à abandonner trop tôt. Pourtant, plus d'un milliard et demi de Chinois, ainsi qu'un grand nombre d'étudiants étrangers parlent le chinois impeccablement, cela prouve que les tons chinois ne sont pas impossibles à apprendre.

Nous avons souvent tendance à voir les enfants comme les meilleurs et plus rapides apprenants de langues, et on attribue leur succès à une plasticité et une flexibilité du cerveau que nous, les adultes ne possèdons plus. On pourrait pinailler sur la définition de « plasticité cérébrale », mais un facteur clé du processus d'apprentissage est souvent omis : la façon dont ils acquièrent une langue étrangère est différente de la nôtre.

Les enfants entendent des phrases entières. Ils ne commencent pas par les syllabes. Ils entendent tout simplement les bribes d'une langue et identifient les composants isolés par eux-mêmes. En tant qu'adultes, nous avons tendance à penser que nous pouvons comprendre la structure d'une langue en analysant tous les aspects de celle-ci et nous perdons de vue l'image générale. En tant qu'adultes, nous avons encore la capacité à entendre, mais nous avons perdu partiellement notre capacité à écouter.

Afin de rétablir cette capacité, il faut de la patience et un peu d'ouverture d'esprit .

Seulement quelques mois après le début de l'apprentissage du chinois de « manière traditionnelle », j'ai réalisé combien il était important d'écouter des phrases entières. Cette réflexion m'est apparue quand j'ai d'abord utilisé un logiciel spécial dans lequel un locuteur natif prononce une phrase, et que vous devez la répéter. Le logiciel compare ensuite les deux phrases et vous donne une note allant de 1 (très faible) à 7 (parfait).

Même si c'était une machine avec tous ses défauts, l'exercice était amusant et interactif et avant que je ne le sache, j'avais essayé plus de 300 phrases de cette façon. Je répétais des phrases sans même penser aux tons.
L'approche ascendante s'était soudainement transformée en une approche descendante : on commence par dire une phrase simple en entier puis on descend vers ses éléments isolés.
En se basant sur mon expérience, je dirais que l'on suit ces simples étapes :

1) Lisez l'introduction sur la phonétique. De toute façon, il est toujours utile de savoir que le chinois est une langue tonale, qu'elle a 5 tons (4 + un ton neutre). Ce sera toujours une bonne référence. De plus, à un stade précoce, on doit apprendre tout de suite comment prononcer les consonnes, en prenant soin de différencier les consonnes rétroflexes "zh, ch, shi" des normales "z, j, s" et différencier les aspirées "p, t" des non aspirées "b, d".

2) Une fois que vous avez une compréhension générale de la phonétique chinoise, commencez par des phrases très simples. Écoutez-les une dizaine de fois et répétez-les les yeux fermés, sans regarder les sons de chaque mot.
3) Puis analysez chacun des mots, et essayez de vous concentrer dessus lorsqu'ils sont « intégrés » à la phrase. Si nécessaire, faites une liste des mots que vous apprenez.
4) Passez à des phrases plus complexes (proposition principale + proposition relative/conditionnelle, etc.).

Outre les tons, il est important de souligner que le chinois a également une tonalité générale (la fluidité des phrases) qui doit être prise en compte. Il y a une vidéo très intéressante sur YouTube de mon ami Marco sur ce sujet.
Marco explique que le chinois insère des « pauses » à certains endroits de la phrase. Ces pauses, que l'on peut représenter par le symbole "/", nous guident sur la façon dont on peut prononcer la phrase en chinois autrement qu'avec les tons. Cela fait partie de l'« Analyse Phonétique », une technique pour la prononciation et la tonalité que j'utilise pour enseigner les langues (via Skype et en face à face).

1) Enfin, après avoir appris comment écouter, vous devez simplement ... commencer à écouter ! Faites-le au moins une demi-heure tous les jours, de préférence une heure et quand vous vous sentez prêt, essayez de passer un peu plus de temps sur cette activité. C'est la clé pour parler le chinois comme un natif. Commencez avec la piste audio ET la transcription correspondante.
La qualité du travail doit être suivie par la quantité à une étape ultérieure, c'est un très bon moyen d'arriver à une excellente prononciation !
Conclusions
Les tons en chinois relèvent sans aucun doute du défi, cependant avec la méthode adéquate ils peuvent être assimilés. Celle que je propose est simple : prenez une phrase complète et écoutez-la, essayez de comprendre comment elle sonne dans son ensemble, sans vous concentrer sur les tons. Vous verrez que cette méthode est efficace pour acquérir les tons de façon naturelle.

(*) En 2006, Harold Goodman, auteur de trois cours audio, a créé une méthode pour aborder les tons avec un code couleur. En complément des couleurs, chaque ton a aussi un mouvement qui l'accompagne. Par exemple, pour le son ā votre pouce suit un mouvement droit et latéral, l'index pointe vers le haut pour á. L'index et les doigts du milieu forment un V pour faire le troisième ton (ǎ), etc. La méthode a été testée aux Etats-Unis avec des étudiants volontaires et ceux-ci semblaient se souvenir très bien des tons.

Pour plus d'informations, consultez :
- http://www.michelthomas.com/learn-mandarin-chinese.php
- MANDARIN_CHINESE.pdf

Ecrit par Luca Lampariello

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Comments

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Sarahangel profile picture SarahangelNovember 2015
merci pour cet article très intéressant. DaShan il assure grave dans la vidéo, impressionnant !
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sybille profile picture sybilleApril 2015
Hen Hao !!
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vincent profile picture vincentSeptember 2014
Merci pour ces précieux conseils. J'apprends le chinois depuis de nombreuses années et il est vrai qu'il faut passer du temps au début pour bien prononcer les tons car sinon, on prend de mauvaises habitudes.
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